Le ministère avait convié le 4 octobre 2023 les organisations syndicales à un nouveau groupe de travail faisant suite à la présentation par le gouvernement de son plan de lutte contre le harcèlement dit « scolaire ».
Les représentants du ministre ont présenté leurs propositions :- Des outils sont élaborés : 3 questionnaires (école, collège, lycées) qui se déclinent chacun en deux versions (une anonymisée, une nominative) mais dont les questions sont identiques…- Le questionnaire nominatif peut être utilisé en cas de suspicion de harcèlement.- Le 9 novembre, une grande journée de sensibilisation au harcèlement est organisée dans toutes les classes (lycées, collèges et écoles à partir du CE2). Un courrier aux familles sera rédigé par le ministre. Deux heures doivent être consacrées (par l’enseignant à l’école, dans le cadre de journées banalisées au collège et lycée en mobilisant les professeurs principaux). Des « kits pédagogiques » sont proposés sur Eduscol pour organiser ces séances. Pendant ces deux heures, le questionnaire anonymisé doit être distribué et rempli par les élèves… Les enseignants ou professeurs principaux ramassent les questionnaires et engagent une démarche famille par famille,possiblement en lien avec les informations données par la plateforme téléphonique mise à disposition des familles (3020) …- Les informations issues de ces questionnaires doivent être remontées.- A l’issue de cette journée et sur la base des renseignements récoltés dans les questionnaires, les enseignants et les professeurs principaux doivent organiser une restitution aux parents…
Face à ces annonces, la totalité des organisations syndicale a vivement réagi. Pour sa part, la FNEC FP-FO a indiqué :« Force est de constater qu’aucune des mesures annoncées ne va dans le sens de redonner les moyens permettant à l’Éducation nationale, à la santé scolaire, à la Protection judiciaire de la Jeunesse ou à l’éducation populaire de fonctionner.
Au contraire : le PLF 2024 programme 2500nouvelles suppressions de postes d’enseignants pour l’année prochaine, après avoir supprimé2000 postes à la rentrée 2023.Ce dont les élèves ont besoin, ce sont des milliers de postes d’infirmières, de médecins scolaires,d’assistantes sociales, d’enseignants spécialisés, de PsyEN, de CPE, c’est le rétablissement des maîtres d’internat – surveillants d’externats, des AED avec un vrai statut et une vraie formation !
Les élèves et les parents n’ont pas besoin de plus de plateforme numérique, mais de personnels qui peuvent leur consacrer du temps. Et comme chacun le sait, le temps c’est de l’argent. L’argent a bien été trouvé pour le SNU et le PACTE ! De même, nous revendiquons la création des postes nécessaires, l’arrêt des suppressions de postes pour faire baisser significativement le nombre d’élèves par classe, ce qui serait bien plus efficace que des cours« d’empathie », ou que des « référents » chargés de « coacher » les personnels.Or, le ministre veut former les personnels de son ministère et les placer en première ligne, c’est-à-dire les rendre responsables de la mise en œuvre du slogan « 100% prévention, 100 %détection, 100 % solution. »
C’est dans ce cadre que sont présentées ces propositions : un grand raout le 9 novembre et des projets de grilles d’auto-évaluation. Ces propositions ne peuvent que mettre les personnels en grande difficulté : organiser seul une séance de deux heures sur un sujet délicat et potentiellement anxiogène pour certains élèves, distribuer des questionnaires anonymes dont on ne sait ni qui les dépouillera, ni qui analysera les réponses, ni ce qu’il faudra en tirer, ni quelle responsabilité sera engagée en cas de réponses alarmantes dans ce questionnaire qui est anonyme ; et pour couronner le tout, organiser une séance de restitution avec les parents…
C’est-à-dire toujours un peu plus exposer les personnels à des situations qui peuvent être incontrôlées ! On se demande ce que cherche le ministre !
Depuis plus de vingt ans, l’ensemble des services a été tellement dégraissé que tous les
personnels, dont les administratifs, se trouvent à la peine en établissement, parce qu’à tous les étages c’est le même constat : tout le monde arrive à la limite du point de rupture en raison des postes supprimés ou des absences non remplacées. Les personnels poussés au bout de leurs limites par des conditions de travail maltraitantes risquent plus de commettre des maladresses.
La FNEC FP-FO refuse le lynchage médiatique et la recherche de boucs émissaires. C’est par exemple la situation vécue par les personnels du service interacadémique de la DAJ Ile de France. La protection juridique et toutes les mesures statutaires nécessaires doivent être octroyées par les trois recteurs franciliens en urgence aux collègues menacés, suite à la campagne de dénigrement public engagée à leur encontre.
La FNEC FP-FO condamne également la multiplication des arrestations par la police d’élèves soupçonnés de harcèlement dans leur établissement, voire en plein cours. S’agit-il de lutte contre le harcèlement, ou bien le gouvernement cherche-t-il à intimider la jeunesse, lui signifier qu’elle peut être interpellée partout, y compris à l’école, qui ne serait plus une enceinte protégée ? La FNEC FP-FO exige l’arrêt des interventions policières dans les établissements scolaires ! Les écoles, collèges et lycées doivent rester des lieux d’étude.
Nous estimons en outre que le harcèlement ne doit pas être uniquement qualifié de « scolaire » puisque c’est un sujet beaucoup plus vaste. Le harcèlement a une définition juridique. Si le présumé coupable est un jeune, il ne doit pas être considéré comme un « scolaire » mais relever de la protection judiciaire de la jeunesse.
Pour conclure, la FNEC FP-FO ne saurait se satisfaire d’annonces simplistes et encore moins cautionner un plan visant à dédouaner le ministère de ses responsabilités. La FNEC FP-FO continuera de porter les revendications des personnels à tous les niveaux. Mais ne comptez pas sur nous si ces groupes de travail organisés par le ministre ne permettent pas de répondre à la question urgente des moyens, ce qui passe par l’arrêt des suppressions de postes prévues pour 2024, le rétablissement des postes supprimés les précédentes années, la création de postes statutaires nécessaires dans les écoles et les EPLE et les services. »
Plutôt que de répondre à ces revendications, le ministère a préféré exprimer sa surprise aux réactions syndicales, indiquant la situation alarmante vécue par les élèves, précisant que c’était une priorité ministérielle et qu’il allait falloir changer d’échelle. La FNEC FP-FO a quitté la séance en indiquant qu’elle refusait l’opération du ministre visant à faire porter la responsabilité sur les personnels quand dans le même temps il supprime 2500 postes.